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Sabine aux doigts d'or

Inconditionnelle des friperies et brocantes, Sabine Kalka-Knecht, plus connue dans le milieu de la mode sous le nom de Kendra Nakamura, exerce depuis plusieurs années son talent de couturière. Coupons, dentelles, tartans... valsent allègrement sous ses habiles ciseaux et aiguilles, pour devenir des créations uniques.

Niché dans l'imposante usine Junkers réhabilitée en espace de création interdisciplinaire, se trouve le petit cocon de création de Kendra Nakamura. Dans l'ancien banc d'essai de moteurs d'avion, bustes de couture, coupons de tissus et objets chinés, sans oublier les indispensables machine à coudre et surjeteuse, voisinent avec les toiles, ordinateurs et appareils photo de ses créatifs colocataires, membres comme elle du collectif M33.

Cela fait trois ans qu'elle occupe ce lieu, tout en briques et murs insonorisés, après avoir longtemps travaillé « dans une pièce à la maison, où je me suis rapidement trouvée à l'étroit. Cet atelier, c'est une vraie respiration ». Plus simple pour y recevoir ses clientes, elle qui vend ses pièces féminines grâce au bouche-à-oreille. Pour y nouer des collaboration et projets collectifs, aussi, ou les cours de couture individuels qu'elle dispense à l'occasion.

Recyclage

« Au fil du temps, j'ai vu l'approche des clientes changer : alors qu’avant elles souhaitaient des pièces uniques, aujourd’hui elles sont plus sensibles à l'origine du tissu, veulent que ce soit une pièce vintage ou avec seulement quelques détails retravaillés ».

Ça tombe bien, c'est justement depuis longtemps pile l'approche de Kendra Nakamura : ne laisser aucun déchet ou presque. « Je vide ma poubelle le moins souvent possible. Une chute de dentelle, je vais la réutiliser dans une autre création, le reste d’un tissu pour un pull, en faire une écharpe assortie. »

C’est dans cet esprit qu'elle a conçu, l’an dernier, une robe réalisée à partir de dizaines de paires de chaussures « façon Mad Max ». Pour montrer que c'était possible, et en « me documentant en amont sur les filières de recyclage, qui n’existent quasiment pas. C'est comme ça que j'aime mener mes projets, pour qu’ils s'inscrivent dans une démarche cohérente ». A l'avenir, elle souhaite étudier les process, pour continuer d'offrir une nouvelle vie textile aux chaussures.

Déjà, lorsque petite fille elle regarde sa mère, employée à la Lainière de Roubaix, coudre sans cesse, elle « bidouille » avec ses chutes de tissu. Elle a aujourd’hui quelque peu délaissé le style « teenage » - lui restent tout de même les Doc Martens aux pieds et les tatouages - pour un style « plus féminin et glamour ». Le déclic ? « Le passage de la trentaine ! » sourit-elle. Mais aussi et surtout l'obtention du CAP couture, il y quatre ans. « Avant cela, je travaillais comme vendeuse dans une boutique de sport, qui a fermé ses portes. Ce licenciement m’a permis de financier cette formation, qui a révolutionné mon regard et ma pratique de la couture. Ça m’a sauvée ! » Elle réalise un apprentissage auprès d'une couturière de la Meinau « très exigeante, donc très formatrice ».

Apoptose et langue inuit

Celle que ses collègues de l’Institut de physiologie et de chimie biologique (IPCB) connaissent sous le nom de Sabine Kalka-Knecht concède évoluer à la jonction entre deux mondes. Diplômée en hygiène et sécurité alimentaire, elle reconnaît, encore aujourd'hui, être inspirée dans ses créations par l’univers de rationalité de la science, qu'elle côtoie au quotidien : « J’ai appelé ma première collection "Apoptose", d’après le nom de la mort programmée des cellules. Ce sont les couleurs, orange et violet, d’une image au microscope, qui m’ont fascinée et ont été mon point de départ. » Pour autant, sa démarche est aussi empreinte de sensibilité artistique, voire poétique : « La couture est certes une technique, mais je ne sépare pas les deux. » Ainsi, une série récente de vêtements, déclinant en bleu « les cinquante manières de désigner "la neige" chez les Inuits ».

Technicienne auprès des quatre unités du GMGM (Génétique moléculaire, génomique, microbiologie, Unistra/CNRS), dès qu'elle quitte ce costume « d'électron libre du labo » ou celui de maman d'élève d'un collégien de 13 ans, c'est pour se glisser dans celui de créatrice : « Je passe mes soirées et parfois mes pauses déjeuner dans mon atelier, mes week-ends quand il ne s'agit pas d'aller exposer mes créations ici et ailleurs... » Et reconnaît que pour cela, la flexibilité de son travail et la compréhension dont fait preuve sa hiérarchie sont « extrêmement précieux ».

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  • Prochaines expositions : 27 et 28 septembre, place d’Austerlitz / ateliers ouverts les 3, 4, 10 et 11 octobre

* Maujaq est un mot inuit qui signifie « neige épaisse et molle où il est ardu de marcher »

Kendra Nakamura, créatrice aux multiples facettes

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